Les prochaines Rencontres La Fontaine

Rendez-vous le dimanche 8 septembre, pas de rencontre pendant l'été.



Dimanche 8 septembre 2024 

 

LE CORBEAU VOULANT IMITER L'AIGLE

 

L'Oiseau de Jupiter enlevant un Mouton,

            Un Corbeau témoin de l'affaire,

Et plus faible de reins, mais non pas moins glouton,

            En voulut sur l'heure autant faire.

            Il tourne à l'entour du troupeau,

Marque entre cent Moutons le plus gras, le plus beau,

            Un vrai Mouton de sacrifice :

On l'avait réservé pour la bouche des Dieux.

Gaillard Corbeau disait, en le couvant des yeux :

            Je ne sais qui fut ta nourrice ;

Mais ton corps me paraît en merveilleux état :

            Tu me serviras de pâture.

Sur l'animal bêlant, à ces mots, il s'abat.

            La moutonnière créature

Pesait plus qu'un fromage ; outre que sa toison

            Etait d'une épaisseur extrême,

Et mêlée à peu près de la même façon

            Que la barbe de Polyphème.

Elle empêtra si bien les serres du Corbeau,

Que le pauvre Animal ne put faire retraite.

Le Berger vient, le prend, l'encage bien et beau

Le donne à ses enfants pour servir d'amusette.

Il faut se mesurer ; la conséquence est nette :

Mal prend aux volereaux de faire les voleurs.

            L'exemple est un dangereux leurre.

Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands Seigneurs :

Où la Guêpe a passé, le Moucheron demeure.

 

 


Un prochain dimanche de l'année...

 

Les Poissons et le Berger qui joue de la flute

Tircis, qui pour la seule Annette
               Faisait résonner les accords
               D'une voix et d'une musette
               Capables de toucher les morts,
               Chantait un jour le long des bords
               D'une onde arrosant des prairies,
Dont Zéphire habitait les campagnes fleuries.
Annette cependant à la ligne pêchait ;
               Mais nul poisson ne s'approchait.
               La Bergère perdait ses peines.
               Le Berger qui par ses chansons,
               Eût attiré des inhumaines,
        Crut, et crut mal, attirer des poissons.
Il leur chanta ceci : Citoyens de cette onde,
Laissez votre Naïade en sa grotte profonde .
Venez voir un objet mille fois plus charmant.
Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle :
               Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle :
               Vous serez traités doucement,
               On n'en veut point à votre vie :
Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal.
Et, quand à quelques-uns l'appât serait fatal,
Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie.
Ce discours éloquent ne fit pas grand effet :
L'auditoire était sourd aussi bien que muet.
Tircis eut beau prêcher : ses paroles miellées
               S'en étant aux vents envolées,
Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris,
Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère.
Ô vous Pasteurs d'humains et non pas de brebis,
Rois qui croyez gagner par raisons les esprits
               D'une multitude étrangère,
Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout ;
               Il y faut une autre manière :
Servez-vous de vos rets, la puissance fait tout.